Pour en finir avec le tanking

Aug 20, 20221 comment

Un des concepts les plus tenaces en ce qui concerne le développement d’une équipe de hockey, c’est le fameux tanking, c’est à dire faire plus ou moins exprès pour perdre pour repêcher les meilleurs joueurs. C’est un concept qui avait du sens dans le temps où la moins bonne équipe repêchait systématiquement le meilleur joueur disponible, même si c’était loser et antisportif comme approche.

Tellement loser et antisportif que la LNH a mis en place un concept de loterie pour décourager les équipes de faire exprès pour perdre plus ou moins subtilement. Alors de vouloir “tanker”, c’est l’équivalent de prendre sa paye et s’acheter un billet de loterie en espérant être chanceux. On s’entend, c’est pas très solide comme stratégie, c’est niveau matante Gertrude et ses billets de 6/49, ou mononcle Armand qui dépense ses payes au Casino parce que ça a déjà marché pour quelqu’un.

Heureusement, les gestionnaires de la LNH ont compris ça et ne gèrent plus en fonction de finir dernier, et ceux qui le font, le font pas vraiment pour tanker, mais plutôt pour regarnir leur banque d’espoir. Sauf que le passé démontre que c’est plus souvent qu’autrement une stratégie décevante et inefficace. Le jeu n’en vaut pas la chandelle, sauf pour ceux qui ont une vision de tunnel à court terme et qui rêvent au sauveur qui va finalement nous amener à la Terre promise. Le seul problème c’est que ça n’arrive pratiquement jamais. Et ce même si vous êtes ultra chanceux et que vous tombiez sur un joueur générationnel.

Avant de parler des arguments fallacieux, je vais parler d’à quel point les étoiles doivent s’aligner pour ça fonctionne.

Fermez les yeux et priez

Le titre veut tout dire. Pour avoir du succès dans le tanking, c’est l’équivalent de fermer les yeux et de prier que la chance soit de notre côté. Parce que pour vous rendre à la terre promise, vous devez être chanceux quatre fois.

1. Vous devez être la pire équipe

Ça semble plus simple à dire qu’à faire. Pour être la pire équipe sur 32, tout doit aller mal pour vous et pas trop mal pour les autres équipes. Un peu comme pour le Canadien de la saison 2021-22. Ça vous prend une tempête parfaite pour finir dernier. Même si vous vendez tous vos actifs comme l’ont fait les Blackhawks de Chicago ou les Coyotes de l’Arizona, un Sabres de Buffalo ou autre Devils du New Jersey peuvent venir vous doubler au fil d’arrivée. Si vous terminez dernier, vous avez seulement 18% des chances de gagner la loterie et choisir premier. Ça veut dire que vous avez 82% des chances de ne pas choisir premier. Si vous avez des maths de troisième année du primaire, vous savez qu’un a beaucoup plus de probabilité d’arriver que l’autre. D’ailleurs, dans la dernière décennie, seulement quatre équipe ont fini dernier et ont eu le premier choix. C’est donc arrivé plus souvent que ça n’a pas marché.

AnnéeDernière placePremier choix
2022MontréalMontréal
2021BuffaloBuffalo
2020DetroitRangers
2019OttawaNew Jersey
2018BuffaloBuffalo
2017ColoradoNew Jersey
2016TorontoToronto
2015BuffaloEdmonton
2014BuffaloFloride
2013FlorideColorado
2012ColumbusEdmonton

2. Vous devez gagner la loterie

Une fois que vous avez fini dernier ou proche de dernier, vous devez maintenant être chanceux une deuxième fois et espérer que le boulier soit en votre faveur, et ne pas vous faire sortir quatre fois du top 5 en cinq ans comme les Red Wings.

3. Espérez de tomber sur une bonne année

Imaginez que vous tankez pour apprendre que vous vous retrouvez dans un repêchage avec Nico Hischier comme numéro 1, ou pire, Nail Yakupov. Vous devez donc être chanceux et tomber sur une année avec un McDavid, un Crosby ou un Matthews. Disons que vos chances ne sont pas excellentes que ça arrive mais qui sait, vous pourriez être chanceux.

4. Vous devez sélectionner le bon joueur

Une fois que vous avez été chanceux sur votre rang de classement, et ensuite encore plus chanceux avec la loterie, mais que vous n’avez pas eu de chance avec la bonne année de repêchage, vous devez maintenant avoir un dernier coup de chance et espérer que vous avez repêché le bon joueur, que vous l’avez bien classé par rapport aux autres et que vous n’aurez pas de mauvaise surprise à la David Fischer, ou à la Jesperi Kotkaniemi. Ça fait donc quatre choses qui doivent tourner en votre faveur pour un tankage réussit

Entendons-nous sur ce qu’on veut dire par tanker

Avant de commencer, faudra s’entendre sur ce qu’on veut dire par tanker. Selon la définition que j’entends le plus souvent, il faut finir dans les derniers pendant 4-5 ans pour gagner la Coupe. Alors pour identifier les équipes qui ont tanké, je vais prendre les équipes qui ont finies quatre fois dans le bottom 5 de la LNH en sept ans (je donne un buffer de deux ans pour les années anecdotiques. J’avais mis six ans avant mais presqu’aucune équipe ne sortait du lot, alors j’ai augmenté à 7). Je dis bottom 5 parce que quand on parle de tanker, on vise un choix top 5.

Voici donc les équipes qui ont tanké basé sur cette définition. AUCUNE n’a gagné la Coupe Stanley. Dans le lot, seules la Floride et Toronto sont des équipes de premier niveau aujourd’hui. Les Oilers s’en viennent mais ne sont pas encore là.

Donc la croyance selon laquelle Colorado a tanké est fausse, car ils ont fini dans le bottom 5 en 2009, 2011, 2013 et 2017. Et leur choix de 2019 est le choix de Ottawa dans l’échange de Duchene. En 2019, l’Avalanche a terminé 17e dans la LNH et ont fait les séries. Ça me fait toujours rire quand j’entends les “analystes” dire qu’ils étaient dans la cave en 2019 vu qu’ils ont repêché top 5.

ÉquipePériode de tankage (finir dans le bottom 5 quatre fois en sept ans)Choix dans le top 5Coupes Stanley
Arizona2015, 2017, 2018, 20223 Aucune
NY Islanders2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 20145Aucune
Edmonton2010, 2011, 2012, 2014, 2015, 20166Aucune
Toronto2010, 2012, 2015, 20164Aucune
Floride2010, 2011,  2013, 20144Aucune
Buffalo2014, 2015, 2017, 2018, 2019, 20214Aucune
New Jersey2017, 2019, 2021, 20224Aucune
Detroit2018, 2019, 2020, 20211Aucune

Selon cette définition, le tanking ne fonctionne pas. Là, les pros du tanking vont me dire que ça peut être moins long que quatre ans un cycle de tanking. Donc ils voudraient que je prenne ceux qui ont tanké pendant trois ans en étant dans le top 5 trois ans en… mettons… cinq ans. Un cycle de cinq ans me semble bon. Pour avoir du fun, j’accepte de baisser la période de tankage, mais en faisant ça, votre argument s’affaiblit, vous le savez ça hein ? Mais bon, allons-y. Tanking de trois ans à choisir dans le top 5 sur une période de cinq ans. Je reprends la gang du tableau d’en haut et j’ajoute les autres

ÉquipePériode de tankage (finir dans le bottom 5 quatre fois en sept ans)Choix dans le top 5Coups Stanley
Arizona2015, 2017, 2018, 20223 Aucune
NY Islanders2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 20145Aucune
Edmonton2010, 2011, 2012, 2014, 2015, 20166Aucune
Toronto2010, 2012, 2015, 20164Aucune
Floride2010, 2011,  2013, 20144Aucune
Buffalo2014, 2015, 2017, 2018, 2019, 20214Aucune
New Jersey2017, 2019, 2021, 20224Aucune
Detroit2018, 2019, 2020, 20211Aucune
Pittsburgh*2004, 20063Trois
Chicago2004, 2006, 20073Trois
Washington2004, 2006, 20073Une
Los Angeles2007, 2008, 20093Deux
Colorado2009, 2011, 20133Une
Ottawa2018, 2019, 20203Aucune
Caroline2013, 2014, 20183Aucune
* Pittsburgh a gagné la loterie suite au lock out. Ils n’ont pas eu à finir dernier

Bon, enfin on a des coupes. OK c’est du vieux tankage d’il y a quinze ans, mais bon, ça reste du tankage. Vous réalisez que dans toute la gang des équipes qui ont tankés trois années en cinq ans dans les derniers dix ans, seule l’Avalanche a gagné une Coupe. Caroline, Ottawa, Detroit, New Jersey, Buffalo, Floride, Toronto, Edmonton, Islanders et Arizona n’ont pas gagné.

Une équipe a gagné, 10 équipes n’ont pas gagné. On est au niveau d’un 10% de réussite pour le tankage. Même en partant de 2004, donc sur une période de 18 ans, seulement cinq équipes ont gagné la Coupe après avoir tanké trois fois en cinq ans. C’est un bon moment de vous parler du premier argument fallacieux et de vous enseigner la différence entre corrélation et causalité.

Argument fallacieux #1: Toutes les équipes qui ont gagné la Coupe dernièrement ont été dans les bas fonds pendant plusieurs années.

On vient de voir que c’est plus ou moins vrai. Surtout que je vous ai pas dit qu’en 2006 Detroit a gagné la Coupe sans tanker, et en 2007 Anaheim a fait la même chose. Ha et je vous parle pas des Bruins, du Lightning et des Blues. Mais bon, je vais y revenir plus tard.

Donc, est-ce qu’il y a une corrélation entre gagner la coupe et avoir été dans les bas fonds ? Oui. Y a-t-il une causalité entre finir dans les bas fonds et gagner la Coupe ? Non. C’est quoi la différence ?

Facile. Je vais prendre des exemples qui n’ont pas rapport au hockey et je vais finir par un exemple de hockey. On pourrait voir une corrélation dans le fait que plus qu’il y a de bars dans une ville, plus il y a d’alcooliques, et on n’aurait probablement pas tort. Mais ce n’est pas parce qu’il a plus de bars qu’il y a plus d’alcooliques, il y a plus de bars parce que la ville est plus grande, donc il y a plus d’habitants et vu qu’il y a plus d’habitants, par définition il y a plus d’alcooliques que dans une plus petite ville avec moins de bars et moins d’habitants. Le jeu des proportions, tsé ?

Mon autre exemple de corrélation est très tenace. On dit qu’il y a plus d’obésité chez les carnivores que chez les végétariens et c’est vrai, c’est dire que la viande rend obèse, right ?Wrong. C’est une corrélation. Les études ont été incapables de démontrer la causalité, alors l’hypothèse, c’est que les obèses mangent généralement mal et en trop grande quantité et ils mangent généralement de la viande alors que les végétariens sont généralement plus soucieux de leur santé, donc font attention, donc moins obèses.

Un dernier exemple relié au hockey comme promis. Si je dis que toutes les équipes qui ont gagné la Coupe Stanley ont changé de coach dans la cinq ans avant de gagner la Coupe, j’ai probablement raison dans 95% des cas. Alors est-ce que je peux dire que pour gagner une coupe, il faut changer de coach maximum aux cinq ans ? Non, c’est une corrélation, et pire, c’est une corrélation sur la loi de la moyenne, sachant que la durée de vie derrière un banc de la LNH pour un coach est en moyenne de trois ans. Alors j’ai peu de chances de me tromper. Sauf que vous allez être d’accord que ça pas vraiment rapport. C’est ça, la différence entre corrélation et causalité, et c’est exactement l’erreur que font ceux qui clament que les équipes qui ont gagné ont fini dans les bas fonds. Une autre corrélation tout aussi vrai et que la grande majorité des équipes qui ont fini dans les bas-fonds N’ONT PAS gagné la Coupe Stanley. C’est encore plus vrai que la première corrélation en nombres absolus.

Je vous résume ça simplement. À peu près toutes les équipes passent par le cycle suivant:

  1. Garnir sa banque d’espoir
  2. Développer les espoirs
  3. Gagner régulièrement et faire les séries
  4. Vendre des actifs contre des joueurs pouvant nous aider à gagner MAINTENANT
  5. Gagner
  6. Se faire rattraper par le fait qu’on a donné beaucoup d’actifs, alors nous n’avons plus beaucoup de choix au repêchage et on a une équipe vieillissante sans vraiment de relève, c’est le temps de repartir le cycle.

Normalement, la meilleure période pour faire du tanking c’est quand tu t’apprêtes à retourner à l’étape un. Sauf que tu n’as pas besoin de faire du tanking, c’est un cycle, alors tu vas perdre pas parce que tu le veux, mais parce que tu es rendu là dans ton cycle. Autrement dit, tu vas perdre parce que tu es rendu là, pas parce que c’est la chose à faire.

Le problème du Canadien, c’est qu’il a longtemps refusé de vivre ce cycle, alors il a artificiellement navigué entre les points 2 et 4 en rotation. Donc, il ne perdait jamais vraiment, mais ne gagnait jamais rien. Finalement, vers la fin, Bergevin sans le dire ouvertement, a décidé de revenir au point 1. En ce moment, le Canadien rentre dans la deuxième phase du cycle. Il a regarni sa banque d’espoir, maintenant il doit développer. Alors de tanker à ce moment-ci serait totalement illogique, on vient de passer par la phase 1. Reculer n’a aucun sens.

C’est pourquoi les équipes ne font pas exprès pour perdre sauf certains cancres comme les Hawks et les Coyotes cette année. Même les Rangers quand ils ont annoncé qu’ils faisaient une reconstruction ont embauché un agent libre à gros prix pas longtemps après. Personne ne veut tanker parce que tout le monde regarde les deux bords de la corrélation, sauf ceux qui ont une vision à court terme.

Évidemment, plus tu repêches haut, plus tu as des chances de tomber sur un bon joueur. Mais si on regarde les équipes qui ont gagné récemment, c’est souvent des joueurs choisis hors du top 5 et parfois hors de la première ronde qui ont été les meilleurs joueurs.  J’y reviendrai.

C’est le temps de passer au deuxième argument fallacieux.

Argument fallacieux #2: Le mirage du sauveur

Quand les gens pensent à tanker, ils croient beaucoup plus qu’ils vont tomber sur un McDavid ou un Matthews qu’un Hischier ou Yakupov. Pourtant, l’histoire démontre qu’il y avait souvent des choix beaucoup plus intéressant dans les choix plus tardifs que ceux du top 5. Alors vous avez beaucoup plus de chance en tankant de faire comme les Islanders (Tavares, Niederreiter, Ryan Strome, Griffin Reinhart, Michael Dal Colle) que de faire comme l’Avalanche avec Makar, Landeskog et MacKinnon. Si on prend le top 5 de chaque année, et qu’on inscrit “keep” pour garder le choix, ou mettre un autre nom s’il y avait un meilleur choix plus tard, remarquez qu’il y a beaucoup moins de “keep” que de changements.

Je n’ai pas remplacé un choix du top 5 par un autre choix du top 5 pour me faciliter la vie. Mais oui on aurait pu reclasser les top 5 mais c’est pas le but de l’exercice, alors je remplace les joueurs du top 5 par des joueurs que je considère meilleurs qu’eux mais qui sont hors du top 5.

AnnéeChoixMeilleur choix ?
2004 
 Alex OvechkinKeep
 Evgeni MalkinKeep
 Cam BarkerTravis Zajac
 Andrew LaddPekka Rinne
 Blake WheelerKeep
2005  
 Sidney CrosbyKeep
 Bobby RyanAnze Kopitar
 Jack JohnsonTJ Oshie
 Benoit PouliotPaul Stastny
 Carey PriceKeep
2006  
 Erik JohnsonClaude Giroux
 Jordan StaalBrad Marchand
 Jonathan ToewsKeep
 Nicklas BackstromKeep
 Phil KesselKeep
2007  
 Patrick KaneKeep
 James Van RiemsdykJakub Voracek
 Kyle TurrisLogan Couture
 Thomas HickeyRyan McDonagh
 Karl AlznerMax Pacioretty
2008  
 Steven StamkosKeep
 Drew DoughtyKeep
 Zach BogosianErik Karlsson
 Alex PietrangeloKeep
 Luke SchennJohn Carlson
2009  
 John TavaresKeep
 Victor HedmanKeep
 Matt DucheneRyan O’Reilly
 Evander KaneNazem Kadri
 Brayden SchennChris Keider
2010  
 Taylor HallEvgeny Kuznetsov
 Tyler SeguinMark Stone
 Erik GudbransonVladimir Tarasenko
 Ryan JohansenJohn Klingberg
 Nino NiederreiterJeff Skinner
2011  
 Ryan Nugent-HopkinsMika Zibanejad
 Gabriel LandeskogNikita Kucherov
 Jonathan HuberdeauKeep
 Adam LarssonMark Scheifele
 Ryan StromeSean Couturier
2012  
 Nail YakupovAndrei Vasilevskiy
 Ryan MurrayFilip Forsberg
 Alex GalchenyukJacob Trouba
 Griffin ReinhartTeuvo Teravainen
 Morgan RiellyKeep
2013  
 Nathan MacKinnonKeep
 Aleksander BarkovKeep
 Jonathan DrouinShea Theodore
 Seth JonesKeep
 Elias LindholmKeep
2014  
 Aaron EkbladWilliam Nylander
 Sam ReinhartNikolaj Ehlers
 Leon DraisaitlKeep
 Sam BennettDylan Larkin
 Michael Dal ColleDavid Pastrnak
2015  
 Connor McDavidKeep
 Jack EichelKeep
 Dylan StromeMikko Rantanen
 Mitch MarnerKeep
 Noah HanifinKyle Connor
2016  
 Auston MatthewsKeep
 Patrik LaineKeep
 Pierre-Luc DuboisMatthew Tkachuk
 Jesse PuljujarviAlex DeBrincat
 Olli JuoleviAdam Fox
2017  
 Nico HischierJason Robertson
 Nolan PatrickNick Suzuki
 Miro HeiskanenKeep
 Cale MakarKeep
 Elias PetterssonKeep
2018  
 Rasmus DahlinKeep
 Andrei SvechnikovKeep
 Jesperi KotkaniemiQuinn Hughes
 Brady TkachukKeep
 Barrett HaytonJoel Farabee
2019  
 Jack HughesKeep
 Kaapo KakkoMoritz Seider
 Kirby DachTrevor Zegras
 Bowen ByramMatthew Boldy
 Alex TurcotteCole Caufield

Donc si on résume: 32 “keep”, majoritairement dans le top 3, et 48 changement. Encore une fois, t’as plus de chances de te tromper dans le top 5 que de choisir le meilleur joueur. Aucune garantie.

Un autre exercice est aussi de classer tous les joueurs du top 5 en cinq catégories. Joueur générationnel, joueur élite, bon joueur, joueur correct, bust. C’est mon évaluation et je ne suis pas trop loin du compte, y en a qui sont sur la frontière entre deux catégories mais bon, c’est pour le fun de l’exercice.

Joueurs générationnels repêchés dans le top 5 depuis 2004 (5)

Sidney Crosby, Alexander Ovechkin, Conor McDavid, Cale Makar, Auston Matthews.

Joueurs élites repêchés dans le top 5 depuis 2004 (28)

Evgeny Malkin, Jonathan Toews, Patrick Kane, Nicklas Backstrom, Blake Wheeler, Alex Pietrangelo, Phil Kessel, Tyler Seguin, Drew Doughty, Steven Stamkos, Victor Hedman, Patrik Laine, John Tavares, Gabriel Landeskog, Nathan MacKinnon, Taylor Hall, Leon Draisitl, Mike Rielly, Mitch Marner, Jonathan Huberdeau, Sasha Barkov, Carey Price, Andrei Svechnikov, Jack Eichel, Rasmus Dahlin, Elias Petterssen, Jack Hughes, Miko Heiskanen

Bons joueurs repêchés dans le top 5 depuis 2004 (20)

Jordan Staal, Ryan Johansen, Pierre-Luc Dubois, Kyle Turris, Erik Johnson, James Van Riemsdyk, Brayden Schenn, Nino Niedereitter, Matt Duchene, Ryan Nugent-Hopkins, Aaron Ekblad, Brady Tkachuk, Seth Jones, Andrew Ladd, Elias Lindholm, Noah Hanifin, Sam Reinhart, Sam Bennett, Adam Larsson, Nico Hischier,

Joueurs corrects repêchés dans le top 5 depuis 2004 (7)

Kal Alzner, Jonathan Drouin, Zach Bogosian, Evander Kane, Alex Galchenyuk, Jack Johnson, Bobby Ryan.

Busts repêchés dans le top 5 depuis 2004 (17)

Cam Baker, Ryan Murray, Dylan Strome, Barrett Hayton, Nolan Patrick, Tomas Hickey, Alex Turcotte, Ryan Strome, Griffin Reinhart, Michael Dal Colle, Nail Yakupov, Jesse Puljujarvi, Luke Schenn, Erik Gundbranson, Jesperi Kotkaniemi, Olli Juolevi, Benoit Pouliot

Selon cette évaluation, tu as 33 chances de repêcher un joueur générationnel ou élite, 28 chances de repêcher un bon joueur, et 24 chances de repêcher un joueur correct ou un bust. C’est quand même beaucoup 24 dans un top 5. C’est presque une chance sur trois. Encore une fois, le repêchage est une loterie.

Les fans du tanking ont la vision romantique qu’ils vont ramasser des joueurs élites chaque fois. Mais la réalité est que vous avez beaucoup plus de chances de vous tromper que de toucher le jackpot.

Argument fallacieux #3: Les équipes qui ont gagné l’ont fait grâce aux joueurs acquis durant un tanking

C’est une pensée tenace mais inexacte. En fait, il y a très peu de joueurs repêchés top 5 qui ont aidé leur équipe a gagner la Coupe. Majoritairement on parle de UN joueur, si on est chanceux, deux. Et si on est vraiment béni par les dieux comme l’Avalanche, trois.

La réalité c’est que ce sont surtout des joueurs repêchés plus haut que le top 5, et souvent même hors de la première ronde ou en fin de première ronde qui transportent l’équipe. J’ai ressorti les joueurs clés de chaque conquête de la Coupe Stanley et je compte le nombre de joueurs venant du tanking (top 5) comparé aux autres joueurs clés. Vous allez voir, c’est très parlant.

ÉquipeAnnéeRepêché top 5 10 ans avantJoueurs clés
Caroline2006Eric Staal, Andrew LaddEric Staal (top 5), Justin Williams (fin 1ère ronde), Cory Stillman (échange), Cam Ward (fin 1ère ronde), Brind’amour (échange), Erik Cole (3e ronde), Kaberle (échange), Aaron Ward (échange)
Anaheim2007AucunSelanne (échange), McDonald (UFA), Niedermeyer (UFA), Kunitz (UFA), Pronger (échange), Getzlaf (milieu 1ère ronde), Penner (UFA), Perry (fin 1ère ronde), Beauchemin (échange), Giguère (échange)
Detroit2008AucunDatsyuk (6e ronde), Zetterberg (7e ronde), Lidstrom (3e ronde), Rafalski (UFA), Cleary (échange), Hudler (2e ronde), Holstrom (10e ronde), Franzen (3e ronde), Draper 3e ronde, Chelios (échange), Hasek (échange)
Pittsburgh2009Malkin, Staal, Crosby, Fleury, WhitneyMalkin (top 5), Fleury (Top 5), Crosby (Top 5), Sykora (échange), Fedtenko (UFA), Satan (échange), Letang (3e ronde), Pascal Dupuis (UFA), Talbot (8e ronde), Gonchar (échange), Ryan Whitney (Top 5), Guerin (échange)
Chicago2010Toews, KaneTowes (top 5), Kane (top 5), Keith (2e ronde), Sharp (3e ronde), Hossa (échange), Versteeg (échange), Brouwer (7e ronde), Campbell (6e ronde), Byfuglien (8e ronde), Seabrook (milieu de 1ere ronde), Niemi (UFA)
Boston2011Tyler Seguin, Phil Kessel (échangé)Lucic (2e ronde), Kreijci (2e ronde), Bergeron (2e ronde), Horton (échange), Recchi (échange), Chara (échange), Marchand (3e ronde), Ryder (échange), Boychuk (échange), McQuaid (échange), Thomas (UFA)
Kings2012DoughtyDoughty (top 5), Kopitar (milieu 1ere ronde), Williams (échange), Brown (milieu 1ère ronde), Richards (échange), Penner (échange), Carter (échange), Lewis (milieu 1ere ronde), Quick (3e ronde)
Chicago2013Toews, KaneTowes (top 5), Kane (top 5), Keith (2e ronde), Sharp (3e ronde), Hossa (échange), Seabrook (milieu de 1ere ronde), Saad (2e ronde), Bickell (2e ronde), Shaw (5e ronde), Crawford (2e ronde)
Kings2014DoughtyDoughty (top 5), Kopitar (milieu 1ere ronde), Williams (échange), Brown (milieu 1ère ronde), Richards (échange), Voynov (2e ronde), Carter (échange), Toffoli (2e ronde), Quick (3e ronde), Martinez (4e ronde), Muzzin (échange)
Chicago2015Toews, KaneTowes (top 5), Kane (top 5), Keith (2e ronde), Sharp (3e ronde), Hossa (échange), Seabrook (milieu de 1ere ronde), Saad (2e ronde), Bickell (2e ronde), Shaw (5e ronde), Crawford (2e ronde), Richards (échange), Versteeg (échange)
Pittsburgh2016Malkin, CrosbyMalkin (top 5), Crosby (Top 5), Letang (3e ronde), Kessel (échange), Hornqvist (échange), Kunitz (échange), Bonino (échange), Hagelin (échange), Sheary (UFA), Rust (3e ronde), Murray (3e ronde)
Pittsburgh2017Malkin, CrosbyMalkin (top 5), Crosby (Top 5), Letang (3e ronde), Kessel (échange), Hornqvist (échange), Kunitz (échange), Sheary (UFA), Rust (3e ronde), Murray (3e ronde), Schultz (échange), Guentzel (3e ronde)
Washington2018Ovechkin, BackstromOvechkin (top 5), Backstrom (top 5), Kuznetsov (fin 1ere ronde), Carlson (fin 1ere ronde), Oshie (échange), Eller (échange), Wilson (milieu 1ere ronde), Niskanen (échange), Holtby (4e ronde)
St-Louis2019PietrangeloO’Reilly (échange), Tarasenko (milieu 1ère ronde), Schenn (échange), Perron (fin première ronde), Pietrangelo (top 5), Bozak (échange), Schwartz (milieu 1ère ronde), Parayko (3e ronde), Bouwmeester (échange), Binnington (3e ronde)
Tampa Bay2020Stamkos, HedmanHedman (top 5), Kucherov (2e ronde), Point (3e ronde), Killhorn (3e ronde), Palat (7e ronde), Sergachev (échange), Shattenkirk (échange), Gourde (UFA), Coleman (échange), Vasilevski (fin 1ere ronde)
Tampa Bay2021Stamkos, HedmanStamkos (top 5), Hedman (top 5), Kucherov (2e ronde), Point (3e ronde), Killhorn (3e ronde), Palat (7e ronde), Sergachev (échange), Cirelli (3e ronde), Gourde (UFA), Coleman (échange), Vasilevski (fin 1ere ronde), Cernak (échange), McDonagh (échange)
Colorado2022Makar, Landeskog, MacKinnon, ByramRantanen (milieu 1ere ronde), MacKinnon (Top 5), Kadri (échange), Makar (top 5), Burakovsky (échange), Landeskog (top 5), Toews (échange), Nichushkin (échange), Lekhonen (échange), Kuemper (échange)

Si on résume, en majorité les joueurs qui ont eu de l’impact sur les conquêtes de la Coupe Stanley viennent surtout de signature d’agents libres ou d’échanges. Ensuite, ce sont les joueurs repêchés hors du top 5, et finalement au nombre le plus bas, les joueurs sélectionnés dans le top 5.

Ce qui m’amène à l’argument fallacieux suivant

Argument fallacieux #4 – L’exemple du Lightning et des Capitals

On me sort souvent ces deux équipes quand on me parle de la nécessité de tanker. Sauf que quand ils ont gagné la Coupe, les joueurs qu’ils avaient choisis top 5 avaient été repêchés…. 15 ans avant. Alors si ça prend 15 ans avant d’avoir une chance de gagner la Coupe, la stratégie est encore moins brillante. Ou la vraie raison pour laquelle que ça a pris 15 ans, c’est que ce n’est pas les hauts choix qui ont fait gagner l’équipe, mais les multiples bons choix au courant des années, la majorité hors du top 5.

Par exemple, il y a 15 ans, Tampa repêchait Stamkos et l’année suivant Hedman, les deux dans le top 3. S’en est suivi une loooooongue traversée du désert qui s’est conclue enfin quand l’équipe de recrutement a frappé des coups de circuit dans les choix plus élevés:

  • Nikita Kutcherov en 2e ronde
  • Branden Point en 3e ronde
  • Andrei Vasilevski en fin de première ronde
  • Alex Killhorn en 3e ronde
  • Ondrej Palat en 7e ronde
  • Anthony Cirelli en 3e ronde

Notons que le Lightning a gagné sa première coupe SANS Stamkos. Donc avec seulement un joueur sorti du top 5. Importance encore plus diminuée.

Donc, la profondeur du prospect pool a plus d’impact que de repêcher haut, puisque même s’ils avaient repêché deux ans en ligne, Tampa n’est devenue une puissance que lorsqu’on a ajouté les joueurs que je viens de mentionner.

Même chose à Washington. On a repêché un joueur générationnel en Ovechkin il y a 18 ans. Et Backstrom deux ans plus tard (il y a donc 16 ans) au 4e rang.  Les Capitals n’ont jamais passé proche de gagner la Coupe, sauf quand on ajouté des coups de circuit dans les choix plus élevés comme:

  • Evgeny Kuznetsov en fin de première ronde
  • John Carlson fin de première ronde
  • Tom Wilson milieu de première ronde
  • Dimitri Orlov 2e ronde
  • Brendan Holtby 4e ronde

Encore une fois, les choix astucieux de fin de première ronde et plus haut ont eu un impact similaire aux deux choix qui ne faisaient pas gagner l’équipe vraiment auparavant.

Pour terminer…

La corrélation est inévitable si on parle d’avoir choisi dans le top 5 pour gagner la Coupe, pour la simple et bonne raison que depuis 2004, 28 des 32 équipes ont au moins une fois choisi dans le top 5. Alors dès qu’une de ces 28 équipes va gagner la Coupe, on va dire que c’est une autre preuve qu’on doit finir dans les bas fonds pour gagner. On a démontré que c’est faux.

En fait, ce qu’il faut dire, c’est qu’il faut bien repêcher et bien développer. C’est la vraie réponse au lieu d’y aller d’une règle de trois simpliste sur le tanking. Les équipes qui ont gagné ont SURTOUT repêché des joyaux dans les rondes élevées, plutôt que d’avoir simplement choisi dans le top 5. Mais ce n’est encore pas suffisant. Une fois que tu as repêché 1-2 joueurs dans le top 5, et plusieurs bons joueurs dans les autres rondes, tu dois finaliser le tout en allant chercher des éléments ailleurs que dans ton équipe. Par exemple en allant chercher Blake Coleman chez le Lightning. On l’a vu dans les exemples plus haut, les joueurs autonomes et les joueurs acquis via des échanges comptent en beaucoup plus grand nombre dans les équipes gagnantes que les joueurs du top 5. Même si la majorité des joueurs du top 5 joue un rôle important aussi.

Les faits se foutent des sentiments…

Les équipes qui ont repêché top 5 au moins une fois depuis 2004 et qui ont gagné la Coupe sont Chicago, Pittsburgh, Los Angeles, Washington, St-Louis, Tampa Bay Colorado et Boston.

Huit équipes.

Les équipes qui ont choisi top 5 et qui n’ont pas gagné la Coupe sont: Columbus, Arizona, Philadelphie, Winnipeg, Islanders, Edmonton, Toronto, Floride, Ottawa, Montréal, Nashville, Buffalo, Calgary, Vancouver, New Jersey, Detroit, San Jose, Anaheim, Seattle, Minnesota, Dallas et les Rangers

Vingt-deux équipes.

Vous me dites que toutes les équipes qui ont gagné la Coupe ont végété pendant des années ? Je vous dis que la grande majorité des équipes qui ont végétés dans la cave N’ONT PAS gagné la Coupe. Non seulement ça, mais ils sont pour la plupart encore des équipes qui se cherchent comme Columbus, Arizona, Philadelphie, Islanders, Ottawa, Montréal, Nashville, Buffalo, Vancouver, New Jersey, Detroit, San Jose, Winnipeg  et Anaheim. Je n’inclus pas Seattle qui est une équipe d’expansion.

Donc sur les 22 qui ont eu au moins un choix top 5 depuis 2004, huit seulement ont fait les séries l’an passé. Si choisir top 5 était la recette, ces équipes ne végéteraient pas encore dans les bas fonds. La réalité c’est que tanker ne fonctionne pas. Encore moins depuis l’instauration de la loterie. Les preuves sont là.

Voici donc un tableau avec tous les choix top 5 de toutes les équipes de la LNH qui en ont eu. Vous allez voir que c’est pas mal tout le monde.

J’attire votre attention sur les équipes qui ont exactement ou proche du même nombre de choix top 5 que les équipes qui ont gagné la Coupe. Si c’était comme ça comme bâtissait une équipe gagnante, toutes ces équipes seraient championnes, ou serait en ce moment dominantes. La majorité des équipes qui ont choisis top 5 souvent ne sont même pas encore compétitifs, ça prouve que de finir dernier sur une longue période est un faux argument basé sur la corrélation que toutes les équipes dans leur cycle de vie vont choisir top 5 à un moment ou un autre.

Ordre décroissant des équipes qui ont choisi top 5 le plus souvent entre 2004 et 2022

ÉquipeNombre de choix top 5 depuis 2004Choix top 5 depuis 10 ans (2012)Classement général 2021-22Nombre de coupes Stanley depuis 2004Coupes depuis 10 ans (2012)
Edmonton641100
NY Islanders522000
Colorado53211
Toronto43400
Floride42100
Columbus432100
Arizona533100
Chicago412732
Los Angeles521422
Tampa Bay31822
Montréal433200
Caroline53310
Pittsburgh301232
Winnipeg (Atlanta)311900
Washington301311
Buffalo442400
New Jersey432800
St-Louis20911
Boston201010
Vancouver221800
Philadelphie212900
Rangers22700
Ottawa332600
Calgary11600
Detroit112510
Anaheim102310
Seattle223000
Minnesota10500
Nashville111600
Dallas011500
San Jose002200

En espérant qu’on arrêtera de véhiculer ce faux argument totalement éculé qu’il faille finir dans les bas fonds plusieurs années pour gagner, on vient de démontrer que c’est complètement faux. Il faut bien repêcher, bien développer et réaliser des embauches et des échanges favorables. C’est la recette pour bâtir une équipe gagnante. Pas de finir dans les bas fonds parce que ça, toutes les équipes le font. Et ça n’a pas marché pour beaucoup plus d’équipes que ça a fonctionné pour d’autres.

N’oubliez pas. Corrélation vs causalité.

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1 Comment

  1. Claude Montpetit

    Je suis bouche bée! Bravo!

    Reply

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